L’orthophoniste

(Article sans doute un peu long mais l’orthophoniste a été essentielle dans mon redémarrage… Elle méritait bien cet effort.)

Quand on fait un A.V.C., le cerveau est touché, c’est la partie invisible si je peux dire ainsi… Une partie de ton corps ne répond plus. (Dans mon cas )Tu parles même si tu sens que ton articulation est différente. Il faut faire plusieurs fois des bilans orthophoniques, sur plusieurs jours pour voir l’évolution et déterminer si il y aura de la rééducation à prévoir.

L’orthophoniste du service était une petite dame brune à la voix toute douce et super dynamique. Elle me faisait penser à une enseignante que j’ai eu autrefois. Elle est d’abord venu le premier jour me faire lire et dire des objets sur un panneau. Le lendemain, elle m’a refait le même test et elle m’a dit que cette fois, je voyais à nouveau tout! La veille, j’étais héminégligente : je n’avais pas lu le côté gauche du texte, c’est vrai que son texte ne voulait rien dire!

Ensuite j’ai dû dessiner :

– une horloge et bien placer les chiffres : j’ai juste dû être aidée et me souvenir de l’horloge de ma classe. J’avais placé le 1 à la place de 12 mais j’ai réussi à me corriger.

-un cube en perspective cavalière. Là, vous ne le voyiez pas à cause du masque mais je tire la langue et je m’applique, j’ai une peur bleue de « rater » . Je pense à mes élèves en difficulté qui sont si fièr(e)s de réussir quand ils se sont appliqués.

-différents dessins à consigne : fleur, maison etc…

Il y a aussi une espèce de test de fluence pour savoir comment de mots sont lus en 1 minute. Je suis maîtresse, je le pratique ce test. C’est stressant, je sais que les mots mal lus sont retirés, je sais aussi que mon flux est encore lent et je n’ai qu’une envie, c’est réussir… A priori ce n’est au départ pas trop mal…On verra le lendemain.

Le dernier test, mon préféré, celui que j’ai appelé « le test de la cloche ». La troisième fois que l’orthophoniste me l’a proposé, j’ai fini par lui dire en riant :  » je vais finir par vous surnommer madame CLOCHE ! » Voilà , c’est fait… Mais, cloche, fée clochette comme sur mon logo… Elle a sans doute déposé des paillettes de confiance et d’estime sur ma rééducation… (j’avais de bons rapports avec elle… Dans le cadre de mon métier, j’adore échanger avec les orthophonistes et avec elle, j’ai vraiment eu un très bel échange d’une semaine…) Bref, je reviens au test, c’est une sorte d’ « où est Charlie? » mais qu’avec des cloches… Plus dur qu’il n’y parait! Je vous laisse en juger par vous même!

Bref, au bout d’une semaine quand l’orthophoniste m’annonce que je suis revenue au niveau d’une personne n’ayant pas fait d’A.V.C., que je n’aurai pas de rééducation à faire en orthophonie , le barrage lâche…Je pleure de joie et de soulagement, je vais sans doute y arriver, c’est une première étape… Quand je parle de soulagement, c’est plus que j’aurai une angoisse en moins. En croisant des compagnons de rééducation aphasiques, en lisant des témoignages d’autres compagnons aphasiques même des mois ou années après, je sais quel est leur combat quotidien et je les soutiens…On ne peut pas savoir quand on n’y est pas… Je ne sais pas si j’aurai eu le courage de me battre aussi fort…Je le répète…Je ne suis pas courageuse, j’estime juste être chanceuse…

A la fin de cette séance émotionnellement forte, l’orthophoniste me raccompagne dans ma chambre et c’est là, que je croise pour la première fois MA psychologue… Elle me propose un entretien tout de suite, j’y vais même si l’orthophoniste l’alerte sur ma probable fatigue. Mais je suis prête… Comme sur une piste de danse, je change de partenaire mais ça, ce sera une prochaine histoire…